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Références bibliographiques Pour aller plus loin

Sociopsychanalyse et recherche-action

Par Jean-Luc Prades, sociologue à l'Université Côte d'Azur et sociopsychanalyste (ADRAP)

Il y a maintenant de nombreuses années, un article (Prades : 2001) proposait de définir la recherche-action (R-A) et de voir en quoi la sociopsychanalyse (SP), en tant que pratique d'intervention, pouvait s'en réclamer. Depuis, plusieurs textes (Prades : 2000 ;  Mendel, Prades : 2002 ; Prades : 2014), ont proposé une approche comparative (théorique et pratique) des principaux courants français de l'intervention sociologique et psychosociologique (de l'analyse stratégique organisationnelle à la psychanalyse de groupe, en passant par l'intervention sociologique, l'analyse institutionnelle, l'intervention psychosociologique, la sociopsychanalyse et la psychodynamique du travail) ; courants qui ont, peu ou prou, un rapport avec la R-A. Dans le court texte qui suit, quelques éléments seront repris qui permettent de définir la R-A et de dire en quoi la SP peut s'y reconnaître et en quoi elle parait s'en éloigner.

Spécificités de la recherche-action

« Nous avons considéré, écrit Michel Liu (1997 : 19), qu'était recherche-action toute étude qui se proclamait comme telle, et qui reconnaîtrait à Kurt Lewin l'origine de la formulation de la démarche ». Cette dette concerne essentiellement le rôle du chercheur « qui doit modifier la réalité afin de la connaître ». La recherche doit se situer dans « le monde réel » avec « des groupes sociaux naturels ». « A l'expérience dans le monde réel, ajoute Jean Dubost (1987: 133-134), engagée à une échelle restreinte, on adjoint des buts fixés collectivement ; on conditionne l'action délibérée visant un changement effectif à l'impératif de dégager des enseignements susceptibles de généralisation et la nécessité de se doter de certaines disciplines, règles ou dispositifs précis ». Se pose donc de façon récurrente la question de la co-construction de l'intervention (intervenant-e-s et acteurs) et celle des rapports théorie-pratique.

Spécificités de la sociopsychanalyse

Un mot sur la sociopsychanalyse (SP) en tant que pratique d'intervention, démarche au long cours matérialisée par le Dispositif Institutionnel Mendel (DIM). Ce dernier fonctionne sur la base de groupes de réflexion et d'expression sur l'acte de travail. Les participant-e-s se concertent, transmettent des demandes ou des propositions sur ce qui les préoccupent dans leur activité professionnelle. Le DIM s'inscrit dans la durée, au cœur de l'organisation du travail, sur la base du volontariat des participant-e-s.

Il repose sur deux principes, invariants spécifiques à la sociopsychanalyse : les groupes homogènes et la communication indirecte. Les groupes sont homogènes car composés d'employés de même niveau hiérarchique et exerçant la même fonction dans la division du travail. Les participant-e-s se réunissent sans la présence de leur hiérarchie.  Les groupes homogènes (restreints) concernent l'ensemble du personnel de l'entreprise ou institution. Le second invariant est la communication indirecte : les échanges entre les groupes homogènes du DIM ne se font que sous forme écrite. Cet écrit est rédigé par le groupe lui-même, puis circule horizontalement et verticalement vers les autres groupes. Le groupe hiérarchique est tenu de faire des réponses argumentées à toutes les demandes, remarques, propositions… exprimées. La communication est anonyme, évite le face-à-face hiérarchique. La concertation entre pair-e-s au sein du groupe homogène constitue un levier essentiel de la socialisation dite non identificatoire. 

Sur un plan théorique, la SP repose sur un concept clé : l'actepouvoir. Il émerge quand la personne peut exercer un réel pouvoir sur son acte. Plaisir, motivation, créativité et sens des responsabilités se développent lorsque l'on a plus de prise sur ce que l'on fait et que l'on perçoit les implications et les effets de ses actes. Donc, pouvoir sur l'acte et de l'acte sur la réalité extérieure (Mendel, 1998) qu'il modifie.

Gérard Mendel à mis à jour différentes dimensions de la personnalité : psycho-familiale et psychosociale. Selon lui, cette dernière est atrophiée, comme sous l'emprise de la première. Dans leur rapport à la hiérarchie, il n'est pas rare de voir ceux et celles qui travaillent, vivre dans la dimension psycho-familiale, en référence aux figures parentales inconscientes héritées de leur éducation. Ces figures introjectées, nécessaires à la socialisation primaire de type identificatoire, peuvent se prolonger, à l'âge adulte, introduisant une forme de dépendance (avec une dimension fantasmatique et irrationnelle), dans un rapport identificatoire cette fois-ci à la hiérarchie. Elle est vécue, plus ou moins inconsciemment, comme une figure parentale pouvant comme elle abandonner le sujet s'il désobéissait. S'en suit un mouvement de culpabilité.

Le DIM ne vise donc pas seulement à agir sur la réalité concrète du travail de ses participant-e-s, mais aussi à leur permettre de développer la dimension psychosociale de leur personnalité.

Quelques liens entre recherche-action et sociopsychanalyse

Se retrouvent donc dans la SP la plupart des critères retenus par Lewin et Dubost pour définir la R-A (en particulier l'intervention dans le monde réel en vue du changement à partir d'un dispositif théoriquement justifié) mais d'autres sont plus problématiques comme celui de la co-construction avec les acteurs.

La pratique socipsychanalytique s'appuie en effet sur un dispositif construit préalablement à l'intervention. Même si ce dernier est toujours aménagé en fonction du contexte, il possède des invariants, tels les groupes homogènes ou la communication indirecte qui ne sont pas négociables.

Bibliographie indicative :

Prades, J.-L. (2001). Sociologie comparative et recherche-action. Revue Internationale de Psychosociologie, n° 16-17.

Prades, J.-L. (2000). Les fondements méthodologiques de l'intervention institutionnelle et sociale en France, Thèse. Nice : Université Nice Sophia Antipolis.

Mendel, G. & Prades, J.-L. (2002). Les méthodes de l'intervention psychosociologique. Paris: La Découverte.

Prades, J.-L. (2014). Figures de la psychosociologie. Paris : L'Harmattan, (traduction en espagnol, Argentine, 2018).

Liu, M. (1997). Fondements et pratiques de la recherche-action. Paris : L'Harmattan.

Dubost, J. (1987). L'intervention Psychosociologique. Paris : PUF.

 

Pour aller plus loin

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